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— La lettre qui dit : « Non ! » au temps !

MARIE-LOUISE, interdite.

La lettre qui dit : « Non ! » au temps !Mais…

LE DUC, farouchement.

La lettre qui dit : « Non ! » au temps !Mais…Je revois
L’N dont il marquait à l’épaule, les rois !

MARIE-LOUISE, se redressant.

Les rois dont vous avez du sang par votre mère !

LE DUC.

Je n’en ai pas besoin de leur sang ! Pourquoi faire ?

MARIE-LOUISE.

Ce fameux héritage ?…

LE DUC.

Ce fameux héritage ?…Il me semble mesquin !

MARIE-LOUISE, indignée.

Quoi ! vous n’êtes pas fier du sang de Charles-Quint ?

LE DUC.

Non ! car d’autres que moi le portent dans leurs veines ;
Mais lorsque je me dis que j’ai là, dans les miennes,
Celui d’un lieutenant qui de Corse venait…
Je pleure en regardant le bleu de mon poignet !

MARIE-LOUISE.

Franz !

LE DUC, s’exaltant de plus en plus.

Franz !À ce jeune sang, le vieux ne peut que nuire.
Si j’ai du sang des rois, il faut qu’on me le tire !

MARIE-LOUISE.

Taisez-vous !

LE DUC.

Taisez-vous !Et d’ailleurs, que dis-je ?… Si j’en eus,
Je suis sûr que depuis longtemps je n’en ai plus !
Les deux sangs ont en moi dû se battre, et le vôtre
Aura, comme toujours, été chassé par l’autre !

MARIE-LOUISE, hors d’elle.

Tais toi, duc de Reichstadt !

LE DUC, ricanant.

Tais toi, duc de Reichstadt !Oui, Metternich, ce fat,
Croit avoir sur ma vie écrit : « Duc de Reichstadt ! »