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MARIE-LOUISE, se fâchant.

Avec lui, dans la chambre…Expliquez-moi, vous dis-je !…

LE DUC, continuant, avec douceur.

Chaque bouffée apporte une branche, et prodige
Bien plus beau que celui dont Macbeth s’effarait,
Ce n’est plus seulement, ma mère, la forêt
Qui marche, la forêt qui marche comme folle :
Ce parfum dans le soir, c’est la forêt qui vole.

MARIE-LOUISE, le regardant avec stupeur.

Comment, toi, maintenant, poétique ?

LE DUC.

Comment, toi, maintenant, poétique ?Il paraît !
(On entend la musique lointaine d’un bal.)
Écoutez !… une valse !… et banale, on dirait !
Mais elle s’ennoblit en voyageant… Peut-être
Qu’en traversant ces bois que fréquenta le Maître,
Autour d’une fougère ou près d’un cyclamen,
Elle aura rencontré l’âme de Beethoven !

MARIE-LOUISE, qui n’en croit pas ses oreilles.

Quoi ! la musique aussi ?

LE DUC.

Quoi ! la musique aussi ?Quand je veux. — Mais, ma mère,
Je ne veux pas. Je hais les sons et leur mystère ;
Et devant un beau soir je sens avec effroi
Quelque chose de blond qui s’attendrit en moi.

MARIE-LOUISE.

Ce quelque chose en toi, mon enfant, c’est moi-même !

LE DUC.

Je ne l’aurais pas dit.

MARIE-LOUISE.

Je ne l’aurais pas dit.Tu le hais ?

LE DUC.

Je ne l’aurais pas dit.Tu le hais ?Je vous aime.

MARIE-LOUISE.

Alors… songe un peu plus au tort que tu me fais !
— Mon père et Metternich pour nous furent parfaits !
Ainsi quand le décret devait te faire comte,
J’ai dit : « Non ! Comte, non ! Au moins duc ! Duc, ça compte ! »