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LE DUC.

Mais, Monseigneur…… Poursuit l’admirable manœuvre,
Arrive devant Ulm sans s’être débotté,
Ordonne qu’Elchingen par Ney soit emporté,
Rédige un bulletin joyeux, terrible et sobre,
Fait préparer l’assaut… et, le dix-sept octobre
On voit se désarmer aux pieds de ce héros
Vingt-sept mille Autrichiens et dix-huit généraux !
— Et l’Empereur repart !

DIETRICHSTEIN.

— Et l’Empereur repart !Monseigneur !

LE DUC, d’une voix de plus en plus forte.

— Et l’Empereur repart !Monseigneur !En novembre,
Il est à Vienne, il couche à Schœnbrünn, dans ma chambre !

D’OBENAUS.

Mais…

LE DUC.

Mais…Il suit l’ennemi ; sent qu’il l’a dans la main,
Un soir il dit au camp : « Demain ! » Le lendemain,
Il dit en galopant sur le front de bandière :
« Soldats, il faut finir par un coup de tonnerre ! »
Il va, tachant de gris l’état-major vermeil ;
L’armée est une mer ; il attend le soleil ;
Il le voit se lever du haut d’un promontoire ;
Et, d’un sourire, il met ce soleil dans l’Histoire !

D’OBENAUS, regardant Dietrichstein avec désespoir.

Dietrichstein !

LE DUC.

Dietrichstein !Et voilà !

DIETRICHSTEIN, consterné.

Dietrichstein !Et voilà !D’Obenaus !

LE DUC, allant et venant, avec une fièvre croissante.

Dietrichstein !Et voilà !D’Obenaus !La terreur !
La mort ! Deux empereurs battus par l’Empereur !
Vingt mille prisonniers !

D’OBENAUS, le suivant.

Vingt mille prisonniers !Mais je vous en supplie !…