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LE TAILLEUR.

— La preuve de cela ?Tournez la tête un peu.
Regardez, sans en avoir l’air, la demoiselle
Qui déballe, à genoux, des toilettes…

LE DUC a tourné la tête. Ses yeux rencontrent ceux de l’essayeuse, qui le regarde à la dérobée.

Qui déballe, à genoux, des toilettes…C’est elle !
— À Vienne, un soir déjà, brusque, sur mon chemin,
Elle sortit d’un grand manteau, baisa ma main,
Et s’enfuit en criant : « J’ai bien le droit, peut-être,
De saluer le fils de l’Empereur mon maître !… »
(Il la regarde encore.)
C’est une Bonaparte, — et nous nous ressemblons…
— Oui, mais elle n’a pas, elle, les cheveux blonds !…

MARIE-LOUISE, se dirigeant vers son appartement, à l’essayeuse.

Nous allons essayer par là. Venez, ma fille.
(À son fils, avec enthousiasme.)
— Ah ! Franz, c’est à Paris seulement qu’on habille !

LE DUC.

Oui, ma mère.

MARIE-LOUISE, avant de sortir, toute frémissante.

Oui, ma mère.Aimez-vous le goût parisien ?

LE DUC, très gravement.

À Paris, en effet, on vous habillait bien.

(Marie-Louise, Scarampi et la demoiselle entrent dans l’appartement de Marie-Louise, emportant les robes à essayer.)



Scène X

LE DUC, LE JEUNE HOMME ; puis, un instant, LA COMTESSE CAMERATA.
LE DUC, dès que la porte s’est refermée, se tournant vers le jeune homme, avidement.

Vous, qui donc êtes-vous ?

LE JEUNE HOMME, très romantique.

Vous, qui donc êtes-vous ?Qu’importe ? un anonyme…