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MARIE-LOUISE, qui est restée debout près du duc, le voyant plus pâle, et les yeux fixes, comme s’il n’écoutait plus, — au tailleur.

Vous fatiguez le duc avec votre bagout !

LE DUC, se réveillant.

Non, laissez, je rêvais… car je n’ai pas coutume,
Quand mon tailleur viennois vient m’offrir un costume,
D’entendre tous ces mots pittoresques et vifs…
Tout cela… tout ce choix amusant d’adjectifs,
Tout cela, qui pour vous n’est qu’un bagout vulgaire,
Cela me… cela m’a…
(Ses yeux se sont remplis de larmes — et brusquement.)
Cela me… cela m’a…Non, rien, laissez, ma mère.

MARIE-LOUISE, remontant vers Scarampi et l’essayeuse.

Regardons nos chiffons !… Des manches à gigot ?…

L’ESSAYEUSE.

Toujours !

LE TAILLEUR, au duc, lui montrant des échantillons collés sur une feuille.

Toujours !Drap… Casimir… Marengo…

LE DUC.

Toujours ! Drap… Casimir… Marengo…Marengo ?

LE TAILLEUR, froissant l’échantillon entre ses doigts.

C’est un bon cuir de laine et défiant l’usure.

LE DUC.

Je suis de votre avis. Marengo, cela dure.

LE TAILLEUR.

Que nous commandez-vous ?

LE DUC.

Que nous commandez-vous ?Je n’ai besoin de rien.

LE TAILLEUR.

On a toujours besoin d’un habit allant bien !

LE DUC.

J’aimerais combiner…

LE TAILLEUR.

J’aimerais combiner…À votre fantaisie ?
Que toujours ta pensée, ô client, soit saisie !
Dites ! nous saisirons ; c’est l’art de ce métier !
— Nous habillons Monsieur Théophile Gautier.