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THÉRÈSE, prenant un livre.

Ouvrez et lisez-nous, au hasard !Andromaque.
(Grand silence. Tout le monde s’installe pour écouter. Elle lit.)
Et quelle est cette peur dont le cœur est frappé,
Seigneur ? quelque Troyen leur est-il échappé ?
Leur haine pour Hector n’est pas encore éteinte :
Ils redoutent son fils.
Ils redoutent son fils.(Tout le monde se regarde. Froid.)
Ils redoutent son fils.— Digne objet de leur crainte !
Un enfant malheureux qui ne sait pas encor
Que Pyrrhus est son maître, et qu’il est fils d’Hector !…

(Murmure et embarras général.)
TOUT LE MONDE.

Hum !… Heu…

GENTZ.

Hum !… Heu…Charmante voix !…

MARIE-LOUISE, s’éventant nerveusement, à Thérèse.

Hum !… Heu…Charmante voix !…Prenez une autre page.

THÉRÈSE.

Hélas ! je m’en souviens, le jour que son courage
Lui fit chercher Achille ou plutôt le trépas,
Il demanda son fils,
Il demanda son fils,Les visages se rembrunissent.)
Il demanda son fils,et le prit dans ses bras :
Chère épouse, dit-il en essuyant mes larmes,
J’ignore quel succès le sort garde à mes armes ;
Je te laisse mon fils…
Je te laisse mon fils…(Murmure et embarras général.)

TOUT LE MONDE.

Je te laisse mon fils…Hum ! Oui !

MARIE-LOUISE, de plus en plus gênée.

Je te laisse mon fils…Hum ! Oui !Si nous passions
À quelque autre… Prenez…

THÉRÈSE, prenant un autre livre sur la table.

À quelque autre… Prenez…Les Méditations.

MARIE-LOUISE, rassurée.

Ah ! je connais l’auteur ! — Ce sera moins maussade. —
Il a dîné chez nous.
Il a dîné chez nous.(À Scarampi.)
Il a dîné chez nous.L’attaché d’ambassade !