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TIBURCE.

Servant tous deux au régiment de Son Altesse
Deux hommes, en congé, marchaient d’un pas distrait,
Quand ils ont vu le duc de Reichstadt qui rentrait ;
Vous savez qu’un fossé profond longe la rue :
Le duc veut le franchir ; son cheval pointe, rue,
Se dérobe ; le duc le ramène… et, hop là !
Alors pour l’applaudir, ils ont crié. Voilà.

METTERNICH.

Faites-m’en monter un, vite !
(Tibruce, du perron, fait un signe au-dehors.

MARIE-LOUISE, à qui on fait respirer des sels.

Faites-m’en monter un, vite !On veut que je meure !

(Entre un sergent-major du régiment du duc. Il salue gauchement, intimidé par tout ce beau monde.)

METTERNICH.

Un sergent ! — Pourquoi donc avez-vous, tout à l’heure,
Poussé ce cri ?

LE SERGENT.

Poussé ce cri ?Je ne sais pas.

METTERNICH.

Poussé ce cri ? Je ne sais pas.Tu ne sais pas ?

LE SERGENT.

Le caporal non plus avec lequel, en bas,
J’ai crié, ne sait pas. Ça nous a pris. Le prince
Était si jeune sur son cheval, et si mince !…
Et puis l’on est flatté d’avoir pour colonel
Le fils de…

METTERNICH, vivement.

Le fils de…Bien, c’est bien !

LE SERGENT.

Le fils de…Bien, c’est bien !Ce calme avec lequel
Il a franchi l’obstacle ! Et blond comme un saint George !…
Alors, ça nous a pris tous les deux à la gorge,
Un attendrissement… une admiration…
Et nous avons crié : « Vive… »

METTERNICH.

Et nous avons crié : « Vive… » C’est bon ! c’est bon !