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LE DUC, avec un sourire.

Les femmes m’ont aimé comme on aime un enfant.
(Elles font un geste de protestation.)
Si ! Si !
Si ! Si !(À Thérèse.)
Si ! Si !l’enfant qu’on plaint,
Si ! Si !l’enfant qu’on plaint,(À l’Archiduchesse.)
Si ! Si !l’enfant qu’on plaint,qu’on gâte,
Si ! Si !l’enfant qu’on plaint,qu’on gâte,(À la Comtesse.)
Si ! Si !l’enfant qu’on plaint,qu’on gâte,et qu’on défend !
Et leurs doigts maternels, toujours, au front du prince,
Cherchaient les boucles d’or du portrait de Lawrence !

LA COMTESSE.

Non ! nous avons connu ton âme et ses combats !

LE DUC, secouant tristement la tête.

Et l’Histoire, d’ailleurs, ne se souviendra pas
Du prince que brûlaient toutes les grandes fièvres ;
Mais elle reverra, dans sa voiture aux chèvres,
L’enfant au col brodé qui, rose, grave, et blond,
Tient le globe du monde ainsi qu’un gros ballon !

MARIE-LOUISE.

Parlez-moi ! — Je suis là !… — Qu’une parole m’ôte
Le poids de mes remords ! J’étais — est-ce ma faute ? —
Trop petite à côté de vos rêves trop grands !
Je n’ai qu’un pauvre cœur d’oiseau, je le comprends !
C’est la première fois, aujourd’hui, qu’il s’arrête,
Cet éternel grelot qui tourne dans ma tête !
— Vous pourriez bien, de moi, vous occuper un peu…
Pardonnez-moi, mon fils !

LE DUC.

Pardonnez-moi, mon fils !Inspirez-moi, mon Dieu,
La parole profonde, et cependant légère,
Avec laquelle on peut pardonner à sa mère !

(À ce moment un laquais, qui est entré sans bruit, s’avance vers Marie-Louise. Elle l’aperçoit et comprend.)

MARIE-LOUISE, essuyant ses larmes, au duc.

Ce berceau… qu’hier soir vous avez fait prier
D’apporter…