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allumé, des bouquets de violettes, des enfants de chœur, une brume d’encens, l’or tendre des cierges, le doux luxe de l’autel, et, tournant le dos, agenouillés tous les deux — elle le soutenant d’un bras passé autour des épaules — l’archiduchesse et le duc qui attendent, et le prélat qui descend vers eux, l’hostie déjà tremblante au-dessus du ciboire. Seconde de profonde émotion et de silence. Tout le monde est prosterné, retenant son souffle et ses larmes.)

THÉRÈSE, lentement, se soulève, se soulève pour regarder par-dessus les têtes, regarde, voit, et dans un sanglot qui lui échappe :

Le revoir ainsi ! Lui !… Lui !…

(Mouvement d’effroi. Le général Hartmann referme vivement la porte. Tout le monde se lève.)

LE GÉNÉRAL, précipitamment, aux archiducs.

Le revoir ainsi ! Lui !… Lui !…Sortez !… Le Duc vient
D’entendre ce sanglot !… Sortez vite !

(Tous ont reflué vers la porte de gauche, mais la porte du Salon de Porcelaine s’ouvre brusquement, le Duc paraît sur le seuil, les voit tous là debout devant lui et après un long regard qui comprend :)

LE DUC.

D’entendre ce sanglot !… Sortez vite !Ah ?… — Très bien.



Scène III

Les Mêmes, LE DUC, L’ARCHIDUCHESSE.
(La Famille Impériale se retire peu à peu.)
LE DUC, calme et avec une majesté soudaine.

J’assurerai d’abord de ma reconnaissance
Le cœur qui, se brisant, a rompu le silence…
Que celle qui pleura n’en ait aucun remord :
On n’avait pas le droit de me voler ma mort.
(Aux archiducs et aux archiduchesses qui s’éloignent avec respect.)
Laissez-moi, maintenant, ma famille autrichienne !
« Mon fils est né prince français ! Qu’il s’en souvienne
Jusqu’à sa mort ! » Voici l’instant : il s’en souvient !
(Aux princes qui sortent.)
Adieu !…
Adieu !…(Et cherchant du regard autour de lui.)
Adieu !…Quel est le cœur qui s’est brisé ?

THÉRÈSE, qui est restée agenouillée humble, dans un coin.

Adieu !…Quel est le cœur qui s’est brisé ?Le mien.