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Scène première

LE DUC, L’ARCHIDUCHESSE, LE DOCTEUR, LE GÉNÉRAL HARTMANN
LE DUC, à l’archiduchesse.

Vous !… Mais je vous croyais malade ?…

L’ARCHIDUCHESSE, avec une gaieté forcée.

Vous !… Mais je vous croyais malade ?…Eh ! oui, ma foi !
Je viens d’être malade en même temps que toi.
Je vais mieux. Je me lève. — Et toi ? ton état ?

LE DUC.

Je vais mieux. Je me lève. — Et toi ? ton état ?Pire,
Puisque vous vous levez pour me voir.

L’ARCHIDUCHESSE.

Puisque vous vous levez pour me voir.Tu veux rire !
(Au docteur.)
Votre malade est-il raisonnable, Docteur ?

LE DOCTEUR.

Oui, maintenant il prend bien son lait.

L’ARCHIDUCHESSE.

Oui, maintenant il prend bien son lait.Quel bonheur !
Ah ! c’est gentil ! ah ! c’est…

LE DUC.

Ah ! c’est gentil ! ah ! c’est…Ah ! c’est dur tout de même,
D’être — lorsqu’on rêva la louange suprême
De l’Histoire, et qu’on fut une âme qui brûlait ! —
Loué pour la façon dont on prend bien son lait !
(Il saisit un des bouquets de violettes posés sur la table auprès de lui et le passe avec délice sur sa figure en soupirant :)
Ô boule de fraîcheur sur ma fièvre posée,
Comme une houppe à se mettre de la rosée !…

L’ARCHIDUCHESSE, regardant les fleurs qui remplissent la chambre.

Tout le monde à présent t’en apporte ?

LE DUC.

Tout le monde à présent t’en apporte ?Oui.

(Et avec un sourire triste.)

Tout le monde à présent t’en apporte ?Oui.Déjà.