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LE DUC, fiévreusement, à d’autres.

Et toi ?

UNE VOIX.

Et toi ?Jean.

LE DUC.

Et toi ?Jean.Et toi ?

UNE VOIX.

Et toi ?Jean.Et toi ?Paul.

LE DUC.

Et toi ?Jean.Et toi ?Paul.Et toi, dont les pieds nus
Saignent sans cesse ?

UNE VOIX.

Saignent sans cesse ?Pierre.

LE DUC, pleurant.

Saignent sans cesse ?Pierre.Ô noms, noms inconnus !
Ô pauvres noms obscurs des ouvriers de gloire !

UNE PLAINTE, derrière lui.

Soulève-moi la tête avec mon sac !

UNE VOIX MOURANTE.

Soulève-moi la tête avec mon sac !À boire !

LE CHAMP DE BATAILLE, dans un râle fait de milliers de râles.

Ah !…

TUMULTE DE VOIX.

Ah !…Les chevaux m’ont piétiné sous leurs sabots !
Je meurs ! — Je vais mourir ! — Au secours !

CRI AU LOIN.

Je meurs ! — Je vais mourir ! — Au secours !Les corbeaux !

UNE VOIX, râlante et gouailleuse.

Ah ! bon Dieu de bon Dieu ! mon compte, tu le règles !

CRIS AU LOIN.

Les corbeaux ! Les corbeaux !…

LE DUC.

Les corbeaux ! Les corbeaux !…Hélas ! où sont les aigles ?

DIALOGUE DANS LE VENT.

De l’eau ! — Mais c’est du sang, le ruisseau ! — Donne-m’en !
J’ai soif !