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LE DUC.

J’attendrai là mon régiment. L’aube est prochaine !…
L’étendard saluera de son bouquet de chêne
Sur l’air triste et guerrier que mes Hongrois joueront…
(Il regarde Flambeau.)
Et ce sont des soldats qui le ramasseront !

SEDLINSKY, bas à un policier.

Les chevaux ?

LE POLICIER, bas.

Les chevaux ?Supprimés.

SEDLINSKY.

Les chevaux ?Supprimés.Bien. Alors qu’on le laisse !
Il ne peut fuir.
Il ne peut fuir.(Haut, avec une affectation de douceur.)
Il ne peut fuir.On peut céder à Son Altesse…

LE DUC, violemment.

Allez-vous-en !

SEDLINSKY, reculant, et d’un ton de condoléances.

Allez-vous-en !Oui… oui… je comprends votre émoi !

LE DUC, le balayant du geste.

Je vous chasse !

SEDLINSKY, voulant se redresser.

Je vous chasse !Pardon…

LE DUC, montrant la plaine de Wagram.

Je vous chasse !Pardon…Je suis ici chez moi !

(Sedlinsky et ses hommes s’éloignent.)



Scène V

LE DUC, FLAMBEAU
FLAMBEAU, se soulevant sur les poignets.

C’est drôle tout de même, — ici — sur cette terre,
Où je me suis déjà fait tuer pour le père,
De venir retomber pour le fils aujourd’hui !

LE DUC, agenouillé près de lui, avec désespoir.

Non ! ce n’est pas pour moi que tu meurs, c’est pour lui !
Pas pour moi ! pas pour moi ! je n’en vaux pas la peine !