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LE DUC, courant à Sedlinsky, suppliant.

Vous n’allez pas livrer cet homme ?

SEDLINSKY.

Vous n’allez pas livrer cet homme ?Sans surseoir !

FLAMBEAU.

Séraphin, c’est la fin ! Flambé, Flambeau ! Bonsoir !

(Sans qu’on s’en aperçoive, il a tiré et ouvert son couteau. Il a l’air de se croiser tranquillement les bras ; sa main droite, où brille la lame, disparaît sous son coude gauche, on voit les bras se resserrer sur la poitrine, pour appuyer. Et il reste debout, très pâle, les bras croisés.)

SEDLINSKY.

Marchons !

(On pousse Flambeau pour qu’il marche.)
LE DUC.

Marchons !Mais qu’a-t-il donc ? Il chancelle ?

UN POLICIER, grossièrement.

Marchons !Mais qu’a-t-il donc ? Il chancelle ?Il titube !

FLAMBEAU, envoyant d’un revers de main le chapeau du policier à vingt pas.

Le duc vous parle ! Ôtez cette espèce de tube !

(Dans le geste qu’il fait, il découvre sa poitrine : elle est tachée de rouge, à gauche.)

LE DUC.

Flambeau ! tu t’es tué !

FLAMBEAU.

Flambeau ! tu t’es tué !Pas du tout, Monseigneur !
Mais je me suis refait la Légion d’honneur !
(Il tombe.)

LE DUC, s’élançant devant lui et arrêtant Sedlinsky et les policiers qui vont pour le relever.

Je ne veux pas qu’un seul de vos hommes le touche !
Ce clair soldat touché par un policier louche !…
Je ne veux pas. — Laissez-nous seuls. — Allez-vous en !

FLAMBEAU, d’une voix étouffée.

Monseigneur…

SEDLINSKY, désignant à ses hommes le vieux paysan qui s’est approché de Flambeau avec émotion.

Monseigneur…Emmenez ce gueux de paysan !

(On sépare les deux vieux soldats et on entraîne l’Autrichien.)