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LE DUC.

Pour moi !… tu t’es battue ?

LA COMTESSE.

Pour moi !… tu t’es battue ?« Oh ! oh ! le fils du Corse ! »
Grondait-il, « j’ignorais qu’il fût de cette force ! »
— « Il ne s’en doutait pas lui-même ! »… Mais ma voix…

LE DUC, voyant du sang à la main de la comtesse.

Ah ! vous êtes blessée !

LA COMTESSE, secouant dédaigneusement le sang.

Ah ! vous êtes blessée !Oh ! ce n’est rien, les doigts !…
… Mais ma voix me trahit « Une femme ? » Il recule.
— « Défends-toi donc ! » — « Je ne peux pas, c’est ridicule !
Cette femme n’est pas le chevalier d’Éon ! »
— « Défends-toi ! cette femme est un Napoléon ! »
Sentant sa lame, alors, par la mienne rejointe,
Il fonce !… et je lui fais…

FLAMBEAU.

Il fonce !… et je lui fais…Le coup de contre-pointe !

LA COMTESSE, mimant le coup.

Un ! deux !

FLAMBEAU.

Un ! deux !Vous avez dû l’étonner rudement !

LA COMTESSE.

Il ne reviendra pas de son étonnement !

LE DUC, se rapprochant, à voix basse.

Dieu ! — mais la jeune fille, alors ?

LA COMTESSE, haussant les épaules, à voix haute.

Dieu ! — mais la jeune fille, alors ?Que vous importe ?

LE DUC.

Chut ! — Est-elle venue ?

LA COMTESSE, après une seconde d’hésitation.

Chut ! — Est-elle venue ?Eh bien… non ! Quand la porte
S’écroula tout à coup sous un poing furieux
J’étais seule !

LE DUC.

J’étais seule !Elle n’est pas venue ! Ah ?…
J’étais seule !Elle n’est pas venue(Et avec un léger dépit mélancolique.)
J’étais seule !Elle n’est pas venue ! Ah ?…Tant mieux !