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L’ARCHIDUCHESSE, qui depuis un instant suit des yeux le faux duc,
— à voix haute, de sa place.

Prince, elle va sortir… elle sort !…Franz, tu pars ?

(La Comtesse chancelle, elle est obligée de s’adosser au treillage pour ne pas tomber.)
LE DUC, bas.

Tout est perdu !

FLAMBEAU.

Tout est perdu !Tonnerre !

L’ARCHIDUCHESSE, qui se lève et se dirige vers la Comtesse.

Tout est perdu !Tonnerre !Attends !

FANNY, atterrée.

Tout est perdu !Tonnerre !Attends !L’Archiduchesse
N’est pas du complot !

L’ARCHIDUCHESSE, qui est arrivée près de la Comtesse.

N’est pas du complot !Franz !

(Elle lui prend le bras, et d’un doux ton de reproche).

N’est pas du complot !Franz !Tu blessas ma tendresse,
Tout à l’heure, mais…

(Elle tressaille, en recevant à travers le masque un regard qu’elle ne reconnaît pas. Elle s’arrête, examinant de près le bas du visage, et presque sans voix :)

Tout à l’heure, mais…Ah !…

LE DUC, qui suit cette scène.

Tout à l’heure, mais…Ah !…Perdu !

L’ARCHIDUCHESSE, reculant hésitante.

Tout à l’heure, mais…Ah !…Perdu !Mais…

(Puis, après le siècle d’une seconde, elle reprend sa voix naturelle, et très haut, tendant la main à la comtesse :)

Tout à l’heure, mais…Ah !…Perdu !Mais…À demain !

LA COMTESSE, à qui l’émotion, la peur qu’elle a eue, la gratitude font perdre un instant la tête.

Ah ! Madame, — comment ?…

L’ARCHIDUCHESSE, vite et bas.

Ah ! Madame, — comment ?…Baisez-moi donc la main !

(La Comtesse se ressaisit, baise tout à fait en duc de Reichstadt la main de l’Archiduchesse, se redresse, et sort.)