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Je n’attendrai dans l’ombre et n’ouvrirai les bras
Comme à ce rendez-vous où je ne serai pas !

LA COMTESSE, avec dépit.

Je trouve Votre Altesse extrêmement émue !

LE DUC.

Moins que si tu me dis plus tard : « Elle est venue ! »

FLAMBEAU, reparaissant.

Il faut se dépêcher, car les yeux vers le ciel,
Il chante quelque chose à son vieux colonel !
(Le duc et la comtesse se masquent rapidement.)

LA COMTESSE, dégrafant son manteau noir pendant que le Duc détache son domino violet.

Changeons vite !

FLAMBEAU, regardant si personne ne sort du théâtre.

Changeons vite !Au signal !… Ne craignez rien. Je guette.
Attention !
(Il tire la baguette de son fusil qu’il lève solennellement.)
Attention !Par la vertu de ma baguette !…

LA COMTESSE, à Flambeau.

Tu vas, peut-être, faire un César, songes-y !

FLAMBEAU.

C’est pourquoi ma baguette est celle d’un fusil !

(Le duc de Reichstadt est à droite. La comtesse est à gauche. Ils enlèvent simultanément leurs manteaux. Une seconde, il y a, dans un éclair blanc, deux Ducs de Reichstadt. Mais L’échange se fait : le duc s’enveloppe du manteau noir, rabat le capuchon sur sa tête ; la comtesse jette négligemment sur une épaule le domino violet de manière à ne pas cacher l’uniforme et les croix, reste tête nue pour bien laisser voir les cheveux blonds… Et il n’y a plus qu’un duc de Reichstadt, à gauche.)



Scène XIII

Les Mêmes, TOUT LE MONDE.
FLAMBEAU, l’oreille tendue vers le théâtre d’où viennent des applaudissements et des rumeurs.

Il sort !

(Le Duc se sépare de la comtesse. Une musique bruyante éclate. La scène s’éclaire vivement. Car de tous côtés des laquais entrent, roulant devant eux des orangers dont le feuillage est criblé de verres lumineux. Sur chaque caisse verte on a posé deux planches que recouvre un