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Scène IX

LE DUC, FANNY ELSSLER.
PASSAGE DE MASQUES.
LE DUC, se retourne, reconnaît la femme masquée qu’il a accepté tout à l’heure d’attendre là, et avec, maintenant un recul violent.

C’est à recommencer !Prince…Ah ! non !… Cette femme !…
Non ! Je ne veux plus…

FANNY, malicieusement, se démasquant une seconde.

Non ! Je ne veux plus…Fuir ?

LE DUC, avec un cri de surprise.

Non ! Je ne veux plus…Fuir ?Fanny — Toi ? — Fuir ?
(Changeant de ton et se rapprochant.)
Non ! Je ne veux plus…Fuir ?Fanny — Toi ? — Fuir ?Comment ?
Quand ?

FANNY, lui désignant du coin de l’œil des couples qui passent.

Quand ?Feignez avec moi de causer galamment.
C’est grave. Écoutez bien. Mais souriez sans cesse.
(Et elle lui dit en minaudant :)
Votre cousine est là, dans ce bal.

LE DUC, très ému, mais d’un air penché.

Votre cousine est là, dans ce bal.La Comtesse ?

FANNY.

Oui.
(Elle prend la main du Duc et la met sur son cœur.)
Oui.— Tiens, j’ai — comme un soir de première — le trac !
— Elle a sous son manteau ton habit blanc, ce frac
Avec lequel l’Aiglon a l’air d’une mouette !
Elle te ressemblait déjà de silhouette
Mais depuis qu’elle a teint en blond ses cheveux noirs,
Prince, elle te ressemble à tromper les miroirs !
Donc, pendant qu’on jouera,
(Elle montre, à gauche, la porte du petit théâtre.)
Donc, pendant qu’on jouera,là, Michel et Christine,
Tu changes de manteau, vite, avec ta cousine…