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BOMBELLES, joignant le geste à la parole.

Il n’aurait pas aimé que me penchant ainsi…

(Mais ses lèvres n’ont pas atteint l’épaule de Marie-Louise qu’il a été saisi à la gorge, arraché du banc, jeté à terre par le Duc de Reichstadt bondissant et criant.)

LE DUC.

Pas ça ! Je ne veux pas ! Je vous défends !

(Il recule, étonné de ce qu’il vient de faire, épouvanté ; passe la main sur son front, et tout à coup :)

Pas ça ! Je ne veux pas ! Je vous défends !Merci !
Merci ! Je suis sauvé !

MARIE-LOUISE, défaillante.

Merci ! Je suis sauvé !Franz !

LE DUC.

Merci ! Je suis sauvé !Franz !Car ce cri, ce geste
Ne furent pas de moi !… Moi, toujours, il me reste
Le respect de ma mère — et de sa liberté !
C’est donc… c’est donc Celui dont j’étais habité,
Qui vient, là, hors de moi, de bondir avec force !
Merci ! je suis sauvé ! c’était un sursaut corse !

BOMBELLES, qui s’est relevé, faisant un pas vers le Duc.

Monsieur…

LE DUC, reculant avec une hauteur glaciale.

Monsieur…Rien entre nous !

(Bombelles s’arrête, sentant qu’en effet rien n’est possible entre eux, et le Duc, se tournant vers sa mère, la salue profondément.)

Monsieur…Rien entre nous !Madame, mes respects !
Au palais de Sala retournez vivre en paix !
Ce palais n’a-t-il pas deux ailes, dont une aile
Est un petit théâtre et l’autre une chapelle ?
Vous allez vous sentir, habitant au milieu,
Dans un juste équilibre entre le monde et Dieu !
— Mes respects ! mes respects !

MARIE-LOUISE, d’une voix tremblante.

— Mes respects ! mes respects !Mon fils !

LE DUC.

— Mes respects ! mes respects !Mon fils !Mais oui, Madame,
Mais oui ! c’est votre droit de n’être qu’une femme !