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L’ARCHIDUCHESSE, le regardant avec inquiétude.

Je n’aime pas vos yeux, ce soir.

LE DUC.

Je n’aime pas vos yeux, ce soir.Moi si, les vôtres.

L’ARCHIDUCHESSE, voulant plaisanter.

Ah ! je comprends ! ce soir, tout se masque à la cour,
Et l’amitié doit prendre un domino d’amour !

LE DUC, se rapprochant de plus en plus.

Oh ! d’abord, l’amitié, tante aux yeux de cousine,
L’amitié, de l’amour, est toujours trop voisine
Entre les tantes et les neveux, les filleuls
Et les marraines — oh ! sentez-vous les tilleuls ? —
Entre les colonels et les chocolatières
Pour qu’il n’y ait jamais d’incidents de frontières.

L’ARCHIDUCHESSE, se levant, un peu sèchement.

Je n’aime plus votre amitié.

LE DUC, la retenant par le poignet, d’une voix sourde.

Je n’aime plus votre amitié.Moi, j’aime bien
Ces sentiments auxquels on ne comprend plus rien,
Dans lesquels tout se mêle et s’embrouille…

L’ARCHIDUCHESSE, lui arrachant sa main.

Dans lesquels tout se mêle et s’embrouille…Non, laisse !
(Elle s’éloigne.)

LE DUC, boudeur.

Oh ! bien ! Si vous prenez vos airs d’archiduchesse !

L’ARCHIDUCHESSE.

Adieu, Franz !… Tu m’as fait beaucoup de peine !

(Elle sort sans se retourner.)
LE DUC, la suivant des yeux.

Adieu, Franz !… Tu m’as fait beaucoup de peine !Bah !
Dans la claire amitié cette goutte tomba,
Qui fait qu’en amour trouble elle se précipite !
Attendons !

(Il aperçoit Thérèse de Lorget qui, depuis un instant arrêtée au fond, joue distraitement à tremper dans l’eau du bassin, les longues herbes qui pendent de ses épaules. — Avec étonnement.)

Attendons !Tiens !… Comment ! Vous êtes là, petite ?