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LE DUC.

Non !

METTERNICH.

Non !Mais à votre insu, c’est toute une Allemagne
Et c’est toute une Espagne en votre âme dormant
Qui vous font si hautain, si triste, et si charmant !

LE DUC, détournant la tête, et attiré pourtant vers le miroir.

Non ! non !

METTERNICH.

Non ! non !Rappelez-vous vos doutes de vous-même !
Vous, régner ? Allons donc !… Vous seriez, doux et blême,
Un de ces rois qui vont s’interrogeant tout bas,
Et qu’il faut enfermer pour qu’ils n’abdiquent pas !

LE DUC, saisissant, pour essayer de l’écarter, le candélabre que Metternich lève devant la glace.

Non ! non !

METTERNICH.

Non ! non !Vous n’avez pas la tête d’énergie
Mais le front de langueur, le front de nostalgie !…

LE DUC, se regardant, et passant sa main sur son front.

Le front ?…

METTERNICH.

Le front ?…Et Votre Altesse, avec égarement,
Sur ce front d’archiduc passe une main d’infant !

LE DUC, regardant sa main, avec effroi, dans la glace

Ma main ?…

METTERNICH.

Ma main ?…Regardez-les, ces doigts tombants et vagues,
Qu’on a, dans des portraits, déjà vus, sous des bagues !

LE DUC, cachant sa main.

Non !

METTERNICH.

Non !Regardez vos yeux par lesquels vos aïeux
Vous regardent…

LE DUC, face à face avec son image, les yeux élargis

Vous regardent…Mes yeux ?…

METTERNICH.

Vous regardent…Mes yeux ?…Regardez-les, ces yeux,