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SEDLINSKY.

Et tu montes la garde ?…

FLAMBEAU, montrant le seuil de la chambre du prince.

Et tu montes la garde ?…À cette place.

(Le domestique est ressorti de chez le duc et s’en est allé par la droite.)
SEDLINSKY.

Et tu montes la garde ?…À cette place.Mais
C’est l’heure. Ferme.

FLAMBEAU, allant fermer à clef la porte du premier plan.

C’est l’heure. Ferme.On ferme !

SEDLINSKY.

C’est l’heure. Ferme.On ferme !Ôte les clefs.

FLAMBEAU, retirant la clef et la mettant dans sa poche.

C’est l’heure. Ferme.On ferme !Ôte les clefs.On ôte !

SEDLINSKY, sortant par la porte du second plan pour laisser Flambeau s’enfermer.

Nul, hormis l’Empereur, n’a ces clefs ! — Pas de faute !
Veille !

FLAMBEAU, refermant la porte sur lui, à double tour, avec un sourire.

Veille !Comme toujours !



Scène VII

FLAMBEAU, seul.

(Il retire la clef de la seconde porte comme de la première, l’empoche ; — puis, vivement et silencieusement, aux deux portes, rabat d’un coup de pouce la petite pièce de cuivre qui couvre l’entrée de la clef en disant tout bas :)

Veille !Comme toujours !Et baissons pour la nuit
Les paupières des trous de serrure, — sans bruit !

(Sûr de ne pas être guetté par là, il prête l’oreille une seconde, et se met à déboutonner son habit de livrée.)

LA VOIX DE SEDLINSKY, à travers la porte.

Bonsoir, le Piémontais !

FLAMBEAU, tressaille et recroise d’un mouvement instinctif sa livrée qui commençait à s’ouvrir. Mais un coup d’œil vers les portes bien closes le rassure, et, haussant les épaules, il répond flegmatiquement, en retirant sa livrée qu’il plie et pose par terre, dans un coin :

Bonsoir, le Piémontais !Bonsoir, Monsieur le comte !

(Il apparaît, déjà moins gros, dans son gilet de livrée, en panne galonnée, à manches. Et il se met en devoir de déboutonner ce gilet.)