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LE DUC.

Un jour qu’on m’en montrait un blanc comme la neige,
Je trépignais de rage au milieu du manège.

L’EMPEREUR, riant.

Dame ! un poney pour toi, tu prenais ça très mal !

LE DUC.

Furieux, je criais : « Je veux un grand cheval ! »

L’EMPEREUR, secouant la tête.

Et c’est un grand cheval, encor, que tu demandes !

LE DUC.

Et lorsque je battais mes bonnes allemandes !

L’EMPEREUR, entraîné par ces souvenirs.

Et lorsque, avec Colin, vous creusiez, sans façon,
Des grands trous dans mon parc !…

LE DUC.

Des grands trous dans mon parc !…On faisait Robinson.

L’EMPEREUR, grossissant sa voix.

C’était vous, Robinson !

LE DUC.

C’était vous, Robinson !J’entrais dans ces cachettes,
Et j’avais un fusil, deux arcs et trois hachettes !

L’EMPEREUR, s’animant de plus en plus.

Puis, tu montais la garde à ma porte !

LE DUC.

Puis, tu montais la garde à ma porte !En hussard !

L’EMPEREUR.

Et les dames, chez moi, n’entraient plus qu’en retard,
Et trouvaient cette excuse, en entrant, naturelle :
« Pardon, Sire, mais j’embrassais la sentinelle ! »

LE DUC.

Tu m’aimais bien.

L’EMPEREUR, l’entourant de ses bras.

Tu m’aimais bien.Je t’aime encor !

LE DUC, se laissant glisser sur les genoux de son grand-père.

Tu m’aimais bien.Je t’aime encor !Prouve-le-moi !

L’EMPEREUR, tout à fait attendri.

Mon petit-fils, mon Franz !