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L’EMPEREUR.

Mais vous ne savez pas quelle difficulté !…

LE DUC.

Je suis le petit-fils de Votre Majesté.

L’EMPEREUR.

Mais…

LE DUC, se rapprochant.

Mais…Sire, vous avez, Sire, en qui seul j’espère,
Bien le droit d’être un peu grand-père ?

L’EMPEREUR, plus faiblement.

Bien le droit d’être un peu grand-père ?Mais…

LE DUC, plus près.

Bien le droit d’être un peu grand-père ?Mais…Grand-père,
Tu peux bien un moment ne pas être empereur ?

L’EMPEREUR.

Ah !… vous avez été toujours un enjôleur !

LE DUC.

Je ne vous aime pas, d’abord, lorsque vous êtes
Comme dans le portrait de la Salle des Fêtes,
Avec le grand manteau, la Toison d’or au cou !
(Il se rapproche encore.)
Mais comme ça, tenez, vous me plaisez beaucoup.
Avec le doux argent de tes cheveux, qui flotte,
Tes bons yeux, ton gilet, ta longue redingote,
Tu n’as l’air que d’un simple aïeul, en vérité,
— Par lequel on pourrait être gâté !

L’EMPEREUR, bougonnant.

— Par lequel on pourrait être gâté !Gâté !

LE DUC, s’agenouillant aux pieds du vieil empereur.

Ne peux-tu te passer de voir Louis-Philippe
Sur les écus français faire toujours sa lippe ?

L’EMPEREUR, ne voulant pas sourire.

Chut !… chut !

LE DUC.

Chut !… chut !Adores-tu ces gros Bourbons caducs ?

L’EMPEREUR, lui caressant les cheveux, pensivement.

Vous ne ressemblez pas aux autres archiducs !