Page:Rossel - Voyage de Dentrecasteaux, envoyé à la recherche de La Pérouse.pdf/397

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
333
DE DENTRECASTEAUX.

nous avions sur 1793.
Avril
le caractère de ce même peuple, dévoient, comme on le pense bien, nous empêcher d’abord de croire fondée une accusation aussi injurieuse à la nature humaine, et aussi contraire à l’opinion que nous nous étions formée de sa douceur. Mais, ce jour même, on fit une découverte qui ne permit plus de révoquer en doute qu’ils ne se souillent de cette affreuse nourriture. Un os humain, où restoient encore quelques lambeaux de chair grillée, fut donné par un de ces féroces insulaires à M. PIRON, qui l’avoit vu s’en repaître. L’instant d’après, M. PIRONle remit à M. LA BILLARDIERE, qui le reconnut pour avoir appartenu aux ; os du bassin d’un enfant de quatorze à quinze ans. Mais, afin de s’en assurer d’une manière plus positive, on demanda à l’insulaire d’où provenoit cet os, et il montra l’endroit qu’avoit désigné M. LA BILLARDIERE. Le même os, ayant été porté à bord, fut présenté à deux naturels, qui ache­vèrent de manger ce qui y étoit encore attaché. On vit aussi entre les mains d’un autre homme, un morceau de chair qui, à la peau, fut reconnu pour être de la chair humaine. Tous leurs gestes enfin tendoient à prouver qu’ils s’en nourrissent. Ils croyoient sans doute se laver de cette infamie, en faisant entendre qu’ils ne mangent que leurs ennemis : mais, que ce soit pour assouvir leur faim ou leur vengeance, il est de fait qu’ils commettent cet acte de férocité, dont le moindre degré de civilisation devroit les corriger, et qui, étant des plus atroces, peut faire supposer qu’ils sont capables de tous les autres. Ce même