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VOYAGE

1792.
Juillet.
des pirogues, qui doubloit notre sillage et qui nous eut dépassé dans un clin-d’œil, quoique le vent fût assez frais et que nous eussions beaucoup de voiles. Un examen très attentif des naturels qui ont été vus tant dans leurs pirogues que sur le rivage, nous a convaincus que les bâtimens de M. de la Pérouse n’avoient pas fait naufrage sur ces îles. La connoissance que ces habitans ont de l’usage du fer, leur a été donnée, sans doute, par la frégate Espagnole la Princessa. Nous sommes fondés à croire que ce qui a été dit de la férocité de ces peuples, de leurs vues hostiles, &c., est exa­géré. La communication fréquente qui doit exister entre des îles aussi rapprochées, ne permet pas de penser que quelques-uns de leurs habitans aient un caractère aussi opposé à celui des autres, que le Voyage de Carteret porteroit à le croire.

Nous continuâmes à cotoyer ces îles jusqu’au soir du même jour, et par-tout nous aperçûmes un très-grand nombre de pirogues, dont plusieurs étoient occupées à la pêche. Nous mîmes en panne à la chute du jour : alors quelques pirogues s’approchèrent à une certaine distance ; mais, soit que la nuit qui s’avançoit inspirât de la crainte à ces nouveaux venus, soit qu’ils fussent naturellement moins confians que ceux que nous avions vus le matin, toutes nos invitations devinrent infructueuses. Après une heure d’attente sans avoir pu réussir à les attirer près de nous, je voulus leur donner le spectacle d’une fusée, prévoyant bien que cet artifice commenceroit par les étonner, mais qu’il pourroit ensuite exciter leur admiration, et peut-être leur curiosité. Au moment où la