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ne fit guère de façons. Il acheva la victime en lui ouvrant la jugulaire et se régala bruyamment. La bête était savoureuse et tendre ; après la vieille antilope coriace dont il avait fallu se contenter la veille, c’était un festin.


J’assistai d’abord à la scène, puis je crus pouvoir m’éloigner. Saïd leva la tête, indécis. Mais voyant que les êtres suspects étaient à distance et rassuré par ma voix, il replongea son mufle dans la chair sanglante ; je pus me rendre jusqu’à la place où s’était fait le massacre.

Une douzaine de Touareg (étaient-ce bien des Touareg ?) gisaient sur le sol, ignoblement mutilés ; presque tous avaient le ventre ouvert et les entrailles éparses ; plusieurs crânes répandaient leurs cervelles ; maints yeux, arrachés des orbites, pendillaient sur les joues sanglantes. On voyait aussi quelques carcasses de noirs, trois corps de femmes tuées par erreur ou parce qu’elles avaient résisté.