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bord avec une vive répugnance. À la longue, il s’accoutuma à l’existence nomade. Nous voyageâmes, tantôt par d’affreuses solitudes, tantôt par la forêt et tantôt contournant des villages nègres. Comme nous marchions presque toujours de nuit, nos risques étaient de beaucoup diminués : les nègres ne sont pas, en général, des chasseurs nocturnes. De plus, dans les ténèbres, l’instinct de mon compagnon déployait ses ressources ; moi-même, j’avais fortement développé mes sens et mon intuition pendant nos randonnées.

Une nuit, nous étions à la recherche d’un abreuvoir. Comme nous n’avions rien bu depuis quinze heures, notre soif était vive. Saïd explorait la lande d’un air morose. Une demi-lune cuivreuse descendait parmi les constellations.

La solitude élevait ses voix sinistres. On sentait partout la terreur et la férocité. La vie m’apparaissait dans les pénombres comme un perpétuel mensonge, comme un