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rible ; au moins le lion ne s’ingénierait-il pas à me torturer. Je me dirigeai d’un pas aussi ferme que le permettait ma claudication, et j’allai m’étendre devant la bête souveraine.

J’avais très peur, mais cette peur était atténuée par le vertige dont parle Livingstone. J’attendais le coup de griffe avec une épouvante bien moindre, j’en suis sûr, que la plupart des condamnés à mort n’attendent la chute du couperet. Au bout d’une ou deux minutes, surpris de n’avoir pas été attaqué, je relevai la tête. Le fauve fixait sur moi ses yeux de feu jaune et vert. Je voyais d’en bas son vaste visage, ses grandes épaules où roulaient les ondes ocreuses de la crinière : je me sentais quelque chose de menu, de chétif, de fragile, qu’un seul coup des lourdes pattes pouvait anéantir… Comme j’étais là, aplati, les premiers de mes poursuivants parurent. À la vue du lion, il s’arrêtèrent brusque-