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Mon rêve coulait comme les grandes eaux, croissait comme les forêts terribles : j’assistais à de puissants exodes de loups, de grues, de chevaux, d’ours, de ramiers ; j’étais fou de bonheur dans le vent, le reflet des rivières, la douceur des herbes, le bruit des saules et des roseaux.

C’est alors que les marécages nous arrêtèrent. Une contrée équivoque allait à notre gauche, entrecoupée de longs caps où les hérons se tenaient dans leurs songes, où des râles couraient parmi les roseaux. Nous traversâmes de confuses lagunes, nous franchîmes un marais profond sur un radeau fait d’un aulne abattu par la foudre. Et la contrée noire s’élargit, pleine de forces souterraines, pleine d’une vie reptilienne et fiévreuse : des crapauds géants rôdaient près des rives ; des serpents plongeaient dans les boues et les herbes flétries ; de fourmillants insectes creusaient la terre molle pour y abriter leurs maternités. Des