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LES NAVIGATEURS DE L’INFINI

sont deux phénomènes complémentaires, car les Tripèdes ont la maîtrise absolue de la fécondation. Ils arrêtent la formation des vies embryonnaires sans souffrance pour leurs compagnes.

À leurs amours si féeriquement pures, tout leur être participe : comme je l’ai dit, rien de brutal, rien que l’enivrante étreinte. Si quelque élément s’y mêle, ce doit être à l’état impondérable, un rayonnement d’atomes, plus subtils que le parfum des fleurs. La mère, nous l’avons vu, après quelques semaines, s’enveloppe d’une lumière presque invisible qui se condense lentement, tel un nuage minuscule. Puis, abritée dans une « conque » ravissante, une sorte de grande fleur pâle, l’enfant prend peu à peu forme, nourri d’une substance invisible. On conçoit qu’il soit facile d’interrompre la chaîne des métamorphoses, bien avant que le nouvel être soit sorti des limbes de la sensation[1].

L’amour est donc chez les Tripèdes, un rêve voluptueux, et leur volupté est incomparablement supérieure à la nôtre. Ont-ils toujours eu ce privilège ? J’ai le sentiment qu’il est venu à l’époque où leur espèce était en plein épanouissement. Peut-être les aïeux avaient-ils des savoirs qui permettaient de perfectionner les actes organiques et de transformer les organes mêmes.

Malgré leur résignation, ou mieux, leur adaptation à une disparition progressive et définitive, la

  1. Les filles tripèdes peuvent concevoir sans le concours du mâle. Il suffit que tous deux le désirent pendant quelque temps avec intensité.