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LES NAVIGATEURS DE L’INFINI

sur un signal du Chef Implicite, la foule se porta vers le ville et se perdit entre les maisons et les monuments.

Quand il n’y eut plus personne au pied de la colline, un grand trouble me saisit : né de la réalité, le rêve redevenait réel, mais il demeurait fantastique. Les yeux magiques de Grâce m’enveloppaient d’une lumière « tendre », une lumière d’amour merveilleusement variable.

C’était un chant de lueurs, aussi doux, aussi pénétrant que ces chœurs de femmes, entendus pendant une nuit cristalline, sous le clair des nuées, auprès du plus étrange des lacs orientaux.

« Je vous aime, dis-je, fille charmante de Mars, si différente de mes sœurs humaines.

— Je suis si heureuse d’être auprès de vous ! répondit-elle. Comme j’ai souhaité ce moment ! »

L’amour chimérique, l’amour impossible exaltait chacune de mes fibres. Grâce s’était rapprochée. Son atmosphère m’enveloppa, magnétique, et pour la première fois depuis notre arrivée, je la pris contre mon cœur… Prodige, magie inconcevable, je ne sais quelle jeunesse créatrice, révélation intime d’un autre univers que l’univers humain ! Et le miracle s’acheva. Du corps frémissant comme les herbes dans la brise, émana la volupté sans geste, la volupté surhumaine qui rendait dérisoires les voluptés grimaçantes de l’amour terrestre. Rien qu’une étreinte, la plus chaste, la plus innocente, pour faire ce bonheur au-delà de tous les rêves, de tous les beaux mirages, créés à travers les temps par les