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Le Supplice de Tantale

par J.-H. ROSNY Aîné

I

C’était au déclin du jour. Les grands arbres du parc des Rouvres jetaient leurs ombres colossales sur les pelouses. Dans la lumière jaune, un vaste silence : absence de vent, apaisement des insectes et des oiseaux, solitude des campagnes.

Deux hommes circulaient au bord d’un grand étang, à la droite du parc. L’un, vieux déjà, un peu voûté, le regard très doux, tenait une lettre à la main et parlait avec animation. L’autre, tout jeune — de vingt-deux à vingt-quatre ans — écoutait d’un air mélancolique.

« Le rêve de ma vieillesse, disait le premier… je pense d’ailleurs que tu serais heureux.

— Je n’en sais rien, fit l’autre, mais en vérité le mariage ne m’attire en aucune façon… ou plutôt il m’effraie. Je la trouve vraiment effroyable, cette aventure où l’on engage toute sa vie !… Toute sa vie, mon oncle…

— Il vaut mieux s’y engager d’une manière raisonnée que par un coup de tête… Tu n’échapperas pas à la loi commune, mon cher Guy ; avec ton caractère… tu te marierais quand même, et Dieu sait dans quel inconnu !