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IV


À Gentilly, Rougemont trouva une multitude incohérente : la pauvreté des péripéties empêchait les légendes de croître. Plusieurs fois, la nouvelle que les ensevelis répondaient aux signaux avait soulevé les âmes. Alors, des hordes accouraient, une rumeur tragique roulait par les terrains vagues, le long des fortifications, dans les cahutes, dans les casernes ouvrières, sur les routes lépreuses de la banlieue. Puis, devant la réalité monotone, la foule s’engourdissait. Il y avait abondance de gamins, de femmes et de rôdeurs, le vrai peuple ne devant paraître qu’au sortir des usines et des fabriques.

Quelquefois, un cri, un signe, une contagion soudaine, faite de cent menues imitations, tassait les êtres. Ils se dispersaient ensuite, choisissaient leurs aires, gravissaient des tertres, des tas d’immondices, quelque chariot décrépit, un pan de muraille, ou formaient des noyaux autour de ces gens qui renseignent et prophétisent.

On montrait aux nouveaux venus la femme du puisatier Préjelaud. Elle se tenait près des sergents de ville, accroupie sur une poutre, avec ses deux petits : maigre, les cheveux indigents, une longue face couleur cannelle, la bouche et les paupières usées, elle considérait le trou avec patience et stupeur. Le plus souvent elle était abrutie ; parfois une crise d’espoir la saisissait, toute sa structure se tendait vers les sauveteurs ; une autre crise l’abattait sur la poutre et des larmes pareilles à de