doute, elle n’en rencontrerait plus. Seules les circonstances humaines l’avaient rendu impossible. Et maintenant qu’il allait périr avec François Rougemont, c’était comme si elle le partageait.
François la contemplait, avec la peur de la voir partir, et cette présence lui semblait le plus grand événement de sa destinée vagabonde. Car il ignorait l’autre événement, celui qui s’accomplissait en lui-même. L’avenir s’étendait devant lui, les jours sans nombre ; il craignait seulement que la chance suprême ne s’évanouît brusquement, comme elle était venue. Après une longue hésitation, il dit à voix basse :
— Que vous êtes bonne !
Elle s’assit à son chevet, elle pencha cette herbe crépusculaire dont elle l’avait ébloui dès le premier soir, elle lui donna la lumière attendrie de ses yeux :
— Bonne ! fit-elle avec mélancolie. Quelle parole venant de celui qui a risqué sa vie pour la mienne !
Il écoutait. Dans le demi-songe que lui faisait sa lassitude, la voix de Christine frissonnait comme une voix d’eau et de feuilles ; il n’avait qu’une pensée continue : la voir et la revoir, exister parfois à côté d’elle, dans le promontoire aérien des Garrigues :
— Je voudrais que vous oubliiez… des choses que je vous ai dites… Je voudrais être votre ami, comme si j’étais déjà vieux… et plus jamais je ne vous parlerais de… de ces choses… plus jamais, je le jure… Oh ! si vous disiez oui, j’attendrais ma guérison avec tant de joie !…
Le cœur plein d’une peine insupportable, elle s’étonnait de pouvoir, par une parole, mêler la douceur à la mort. Pourtant, elle hésitait, révoltée contre le mirage, contre tous les beaux mensonges qui dorent le passage des êtres. Toujours, même lorsqu’elle était petite, elle avait eu en exécration