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tenaces, elle donne aux hommes l’amer réconfort et crée les disciplines sombres, qui sont les mieux obéies.

On arrivait devant les forges. Les porteurs s’arrêtèrent ; il y eut un vaste silence, puis une clameur forcenée. Et le chant de guerre parut s’élever jusqu’aux nues :


Hideux dans leur apothéose,
Les Rois de la mine et du rail
Ont-ils jamais fait autre chose
Que dévaliser le Travail ?


Une multitude était mystérieusement accourue ; elle déversait sur les chemins, sur les champs, sur les terres de cendre et d’escarbilles, des silhouettes baroques, des profils souffreteux, appelés par cette voix qui répand les nouvelles tragiques. Tous voulaient voir la face blanche du mort. Ceux des carrières, ceux des usines et des fabriques, ceux qui endurent la faim au fond des masures, ceux qui couchent dans les meules, ceux qui rôdent sinistrement sur les routes crépusculaires, ceux qui mènent les chariots à travers les villages, s’émouvaient à l’hymne de révolte. Leurs cœurs de parias souhaitaient des choses terribles.

Les torches jetèrent une lueur rousse, la lueur qui éclairait jadis les Jacques faméliques, une immense imprécation enveloppa les forges. Le vent des révolutions passa sur la foule.