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un terrain vague, ils se trouvèrent sur la route, avec quatre sergents de ville. Alors, au détour d’un chantier, surgit la délégation gréviste. Hanotteau la précédait avec des gestes débonnaires. Jacques Lamotte clignait de l’œil en manière de bon accueil. Barjac lança un « bonjour camarades » ! Labranche, l’Homme-aux-Tannes, dit le Merlan truffé, agitait un mouchoir presque blanc ; et Rougemont articulait d’une voix claire :

— Nous venons pour causer, mes amis… nos intentions sont conciliantes.

Mais les Jaunes s’étaient arrêtés, pleins de méfiance ; les quatre sergents de ville s’avançaient coude à coude. Jambloux, ouvrier rétrograde, qui allait à la messe, homme aux muscles secs, au visage de Finnois, bramait d’une voix caverneuse :

— C’est un piège ! Les autres vont nous tomber sur le casaquin.

— Camarades ! croyez-moi, nous sommes ici sans arrière-pensée… cordialement, préoccupés seulement de votre intérêt et du nôtre ! répliqua Rougemont.

— Vu qu’on vous trompe ! appuya Barjac.

— V’là les autres qui rappliquent, affirma Jambloux, la main tendue.

Les Jaunes ne s’attardèrent pas à vérifier son affirmation. Blottis derrière les agents, ils prirent une attitude hargneuse :

— Place ! fit un homme court, au torse de sanglier. On n’a rien à se dire.

— Vous êtes ici pour nous protéger, dit Jambloux aux agents, et n’ayez crainte, on a des poings !

— Place ! réitéra l’un des sergents de ville.

— Ce sont des idiots ! s’exaspéra le Merlan-Truffé. C’est venu esclave au monde et ça crèvera esclave.

Il avait cessé d’agiter son mouchoir parlemen-