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claqué plutôt. Non, c’est les idées… On a fini par voir que vous aviez le bon bout. Alors, on est venu. C’est de bon cœur. Tant qu’à taper sur les autres, non… et puis non ! Faut leur parler, que je dis !

— Faut leur flanquer la frousse !

— Oui, oui, la frousse !

L’assemblée ne se prononçait pas. On était à l’une de ces heures où la grève est bon enfant. Les marmites bouillaient à la maison, la rôderie était agréable, une atmosphère de veulerie et d’espérance enveloppait les travailleurs. S’il ne leur déplaisait pas d’entendre quelques vitupérations, ils n’avaient aucune envie d’en venir aux mains avec les sergents de ville ni avec les Jaunes.

— Ceux-là ne feront pas de bêtises ! songea François Rougemont.

Et il se hissa sur le tas de coke.

Un murmure aimable le salua ; tous reconnaissaient en lui le vrai père de la grève :

— Le camarade Hanotteau a raison, fit-il avec rondeur. Ce n’est pas le moment des bourres ! Il s’agit d’éteindre cette cheminée là-haut, et non pas de risquer le passage à tabac et la boîte à puces. C’est l’histoire de débaucher encore sept ou huit hommes. Je suis sûr qu’il y a plus d’un indécis parmi ceux qui travaillent.

— Vous pouvez le dire ! affirma Hanotteau.

— Alors, allons les attendre… je leur parlerai, Hanotteau leur parlera, et Barjac, et pourquoi pas Barraut et Semail ? Jacques Lamotte les fera rigoler. On leur payera un bon verre ; moi, j’y vais de ma pièce de vingt francs. On leur montrera où est la vérité et le mieux-être : si on réussit, les exploiteurs trinqueront double ! Ils seraient trop heureux de voir les ouvriers se taper entre eux. Est-ce dit ? Voyons, Semail, voyons, Barraut. Vos preuves ne sont plus à faire. Un bon mouvement, mettez pour quelques jours votre idée dans votre poche avec un