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— De l’ordre et de la discipline ! ordonna sévèrement Alfred.

Il avait encore dans l’oreille les conseils de Rougemont. Mais il avait sablé quelques bonnes bouteilles.

— Le patron !

On vit Delaborde, dans la galerie de l’étage, devant le grand escalier. Il se penchait ; ses joues molles retombaient étrangement autour du nez vultueux. Puis il descendit, lent et mélancolique, avec un balancement du ventre :

— Vous êtes bien nombreux, remarqua-t-il. Qu’est-ce que vous voulez ?

L’homme de la Fédération, poussé par Alfred, parut devant le libraire. Une ressemblance se décelait entre ces deux personnages dissemblables. Tous deux avaient des artères rigides, le visage plein de veinules éclatées, des cœurs étouffants.

— Nous sommes venus pour voir, répondit l’homme, s’il y a moyen de s’entendre.

— J’ai dicté mes conditions aux secrétaires des syndicats ! Ça ne dépend plus de moi.

— Et de qui cela dépend-il ?

— De vous autres.

L’imprimeur levait à demi les bras, avec un grand air de lassitude.

— Il me semble que ça dépend surtout de vous. Qu’est-ce que vos travailleurs demandent ? Que vous leur ôtiez une heure de travail et que vous vous engagiez à ne plus prendre des sarrazins ni des Jaunes…

— Qui nous dégoûtent ! appuya Duchaffaud.

— Je n’accorderai ni une heure, ni même une demi-heure ! répondit Delaborde en levant deux doigts comme s’il faisait un serment. Et je ne prendrai aucun engagement en ce qui concerne les Jaunes : comme je n’embauche personne à prix réduit, la demande est ridicule.