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Ce jour-là, ils discutèrent avec une gaieté fanfaronne. L’heure et la forêt étaient enchantées. Au lointain des ramures, le soleil croissait en s’abaissant. De hautes fougères emplissaient l’éclaircie, végétation de la nuit des âges, dentelle verte qui, géante alors, abritait une vie élémentaire et formidable. Les hêtres élevaient leurs piliers de cathédrale entrecoupés du vieil argent des bouleaux ; il passait des vanesses sur leurs ailes de feu, de velours et de cachemire, des insectes d’émail, de cristal, de bronze, d’ébène, de broderie d’argent, de cuir jaune ; on en voyait se hâter à travers la mousse, cuirassés d’acier bleu, glacés de béryl, engainés de peluche, caparaçonnés d’écarlate, de cuivre et d’or vert. Ils avaient leurs aigles, leurs faucons, leurs tigres, leurs gazelles, leurs tortues, leurs alligators ; ils montraient des cornes de buffle et de bouquetin, des bois de cerf, de renne et de chevreuil.

Une pie, par intervalles, traversait la clairière, puis, du bout d’une branche, surveillait ces hommes aux pattes rouges ; un coucou sonnait, dans les nuées vertes ; un long cri rauque, de joie et d’espace, annonçait les corbeaux. Venue du fond des éthers, l’énergie remplissait le tronc des arbres et la poitrine des soldats. Quand ils eurent vociféré, ardents et sans ordre, Armand feignit de résumer la discussion. Ses phrases s’émurent de soleil et de forêt, sa voix fut chaude, une abondance de vie coulait avec ses gestes. Les huit furent les protestants au prêche de la lande.


Le fossoyeur respirait avec un rauquement, les yeux sans cils de Torcol ruisselaient d’eau, le mécanicien n’en finissait plus de balancer son torse, Arthur Méchain, oubliant son nez, ne détournait plus la tête, le meunier poussait des soupirs de cheval, Troublon dirigeait sur les arbres un regard