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Exaspérés par le sabotage, les patrons rêvaient, depuis longtemps, un coup de force. Mais la bataille indécise de la maçonnerie les démoralisa. Par ailleurs, sur quelques chantiers du Métropolitain, malgré un long lock-out, les terrassiers résistaient opiniâtrement. Soudain la lutte qui, jusqu’alors, intéressait surtout les grands travaux, gagna l’industrie privée. On vit les hommes de Marsolleau et Fargel, dont les attelages comportaient mille chevaux, organiser la grève en quelques heures. Leur exemple déchaîna la tourmente. Ce fut un mois de fièvre et de colères, pendant lequel le syndicat rédigeait les revendications. Isidore, après les joies du sabotage, connut les délices de la grève.

Il attirait d’innombrables camarades aux Enfants de la Rochelle, se saoulait au bruit des gueulements et des chants de victoire, organisait des processions auxquels la présence de Dutilleul et des Six Hommes, d’Alfred le Rouge et de la Trompette de Jéricho donnait une allure déconcertante ; il sollicitait des conférences de François Rougemont qui ébahissaient les nouveaux venus. Chargés de flanc et mettant leur dernière espérance dans une entente, les entrepreneurs cédèrent successivement, lorsque Marsolleau et Fargel eurent donné l’exemple. Les revendications étaient sévères. Les terrassiers exigeaient soixante-dix centimes l’heure, les puisatiers, les mineurs, quatre-vingt-cinq, les chefs de chantier dix-huit sous ; de plus, le syndicat décréta que ces derniers seraient choisis par les camarades et il l’obtint chez un grand nombre d’entrepreneurs.

Isidore Pouraille fit, pour le jour de la rentrée, l’acquisition d’une vieille trompette. S’étant raboté les entrailles avec trois verres de fil en quatre, il franchit les clôtures du chantier en soufflant la Casquette du père Bugeaud, qu’il intitulait la Veste patronale. Trente drilles dansaient en rond