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grandiose, décevant et vide qui intoxique les âmes.

Il s’en allait, presque silencieux, aux cuisines syndicalistes, aux assemblées, aux chantiers, dans les rues et les cabarets, interroger ces hommes, souvent déconcerté par leurs cervelles rudimentaires, mais ragaillardi par la moindre parole sage, et se répétant qu’ils étaient à la période où l’instinct est plus sûr que la raison, où une conscience simpliste, mais ferme, précède une conscience plus élaborée.

Le lock-out ne dura guère. Les patrons se trouvaient devant le vide et l’énigme. La résistance était dans les cœurs, non dans les discours. Le lock-out lui-même n’était-il pas un succès pour les ouvriers ? Ne comportait-il pas, automatiquement, une augmentation de salaires ? Tous réintégreraient donc les chantiers, au premier signe, et par la patience, par l’inertie, ils obtiendraient de nouveaux avantages.

Vers la fin d’avril, la plupart des chômeurs avaient repris leurs places sur les murailles et les échafaudages. Beaucoup signaient le nouveau règlement, sûrs de n’en tenir compte que dans les limites assignées par la prudence ou par les tactiques syndicales.

Les patrons, ignorant s’ils avaient remporté une victoire ou subi une défaite, prévoyaient des luttes sinistres et s’y préparaient avec inquiétude ; ils concevaient que le machinisme seul pouvait vaincre. La guerre des classes serait une guerre de mort et de famine.


Après un 1er mai morne, ce fut le tour des terrassiers. Leur jeu était sûr, à cause des vastes travaux du Métropolitain, qui absorbaient la masse flottante des chômeurs. La province, contenue par la C. G. T. et par les fédérations régionales, limitait son émigration.