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parce que la consommation de la foule n’a pas suivi la progression des forces disponibles. Cela serait-il arrivé si les travailleurs avaient mieux connu leur intérêt, s’ils ne s’étaient pas laissé leurrer par les révolutionnaires bourgeois de 89, massacrer pour le petit chapeau de Napoléon, abrutir par la prêtraille de la Restauration, berner par les politicards de Louis-Philippe, éblouir par les blagueurs de 1848, écraser par Badinguet, enfin bafouer par les sinistres polichinelles de la Chambre ? Allez, Castaigne, s’ils avaient organisé leurs syndicats, réduit leurs heures et leurs quantités de travail, accru moins lentement leurs salaires, aujourd’hui le revenu de la France serait triple, aucun ouvrier ne souffrirait de la misère et du surmenage, et notre pays ne serait pas devenu la patrie de la tuberculose !

Thomas voulut répondre, mais Rougemont avait emporté les enthousiasmes. Le chantier hurlait en chœur :

Ouvrier, prends la machine !

— C’est égal ! grommela Castaigne, avec son sourire socratique, vous avez un beau coup de platine, camarade Rougemont, mais c’est toujours les si et les que, avec quoi on met le prolétaire en bouteille. Vous n’avez oublié qu’une chose, c’est qu’on ne monte pas sur ses propres épaules, et que les hommes de 1830, de 1848 et de la troisième République ont tout juste fait ce qu’ils étaient capables de faire… Les syndicalistes feront de même !

Personne n’entendait seulement sa voix, et Pouraille, juché sur un échafaudage du haut duquel il brandissait un litre, annonçait avec allégresse :

— On aura leur peau !


À part les pituites du matin, dont l’intensité s’ac-