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Là-bas, il en rôde des troupeaux… les « vorkhaouses » ne peuvent plus depuis longtemps les contenir !

— Parce qu’ils n’ont pas su combiner la question du salaire avec celle de la diminution du travail, répliqua sévèrement Rougemont. À chaque intervention d’une nouvelle machine, tous les travailleurs du corps de métier menacé doivent répondre par une diminution correspondante du rendement.

— Et avec ça ? ricana Castaigne. Quand on peut produire à la machine cent mille clous avec trois minutes de travail, alors qu’à la main-d’œuvre il faudrait deux semaines ? Je vois d’ici l’ouvrier répondant par la diminution du travail. Il ne ficherait plus une heure de présence. Ce serait le cas de le laisser cuire dans son jus et de faire venir n’importe qui, des Arabes, des Chinois, des nègres… des gorilles !

— Castaigne, vous vous emballez ! riposta Rougemont, sur qui l’argument portait plus qu’il ne voulait se l’avouer. Vous prenez un cas invraisemblable. À part quelques exceptions, cela ne se présente pas ainsi. Il y a des transitions. Il naît de nouvelles industries et de nouveaux débouchés, à cause des machines mêmes. On a le temps de se retourner. Et la preuve, vous la trouvez dans la société actuelle, comparée à celle du dix-huitième siècle. Nos machines font à elles seules six, sept, peut-être dix fois le travail des gens de cette dernière époque. Est-ce qu’on a cessé d’avoir besoin de l’effort humain ? Ne voyons-nous pas, comme par le passé, des millions d’ouvriers dans les villes et d’autres millions dans les campagnes ?

« Pourquoi cependant sont-ils misérables ? Uniquement parce que les patrons ont réussi à les rouler, parce qu’on leur a volé leur part de tant de richesses nouvelles, parce que l’échange se fait mal,