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l’évolution syndicaliste ; il lui semblait évident que si les ouvriers ne dépassaient pas un peu le but, ils n’aboutiraient jamais. Et toute arme n’est-elle pas bonne qui, sans nuire au prolétaire, fera fléchir le capital ?

Il se montrait inquiet, le capital ! Depuis longtemps, les entrepreneurs souffraient du ralentissement et du sabotage. Ils avaient pu se rattraper par une tonte plus minutieuse de la clientèle, mais la tonte a ses limites et la fortune de Paris, non plus que celle de la France, ne permettaient une production si coûteuse. Rougemont ne s’en inquiétait pas, persuadé que les conditions de l’échange se transformeraient par l’accroissement des salaires et un travail moins déprimant.

Et comme Thomas dit Castaigne s’en allait disant aux maçons, aux ravaleurs et aux terrassiers que les patrons ne pourraient pas tenir le coup, François le prit à partie, à l’heure du casse-croûte, aux abords d’un chantier où travaillait Isidore Pouraille.

— Il doit nous être tout à fait indifférent que quelques patrons tiennent ou ne tiennent pas le coup. Ils seront éliminés. Ce sera un bien. Soyez sûr qu’il n’y en aura pas un sur cent qui succombera dans la lutte ; ils ont plus d’un tour dans la gibecière. Ceux qui déposent leur bilan l’auraient déposé quand même. Allez, vieux Thomas, vous ne voyez pas plus loin que la pièce de cent sous. Elle n’est qu’un emblème. La réalité, c’est la mise en œuvre des énergies qui dorment au sein de notre vieille société. C’est tout ce que la science a découvert et peut découvrir au premier signal. Ce sont d’extraordinaires ressources où nous n’aurions pour ainsi dire qu’à puiser. Notre fortune ? Mais elle est ce que nous voudrons qu’elle soit. En attendant que le prolétariat ait saisi les instruments de la production, il n’y a qu’un moyen de réveiller les