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que Bardoufle, assailli par sept hommes, se décidait à lâcher son brigadier. Son exaltation était tombée : voyant la partie ridiculement perdue, résigné aux fatalités supérieures, il se laissait passer à tabac avec une bonhomie si douce qu’elle apaisa ses agresseurs. À son tour, Alfred succombait sous le nombre ; un croc-en-jambe le précipita sur le sol, où il pantela sous les talons des bottes ; à chacun de ses soubresauts, il rejetait les agents, mais lui aussi, s’avouant que cette lutte était vaine et sans profit pour la Cause, finit par se rendre.


Cependant, la charge des dragons avait rompu le conglomérat : elle fut d’autant plus décisive qu’elle était moins brutale ; la douceur des soldats apaisait les révolutionnaires et Gourjat, revenant à la raison, criait :

— Pas la peine, camarades ! Ce serait se faire casser la gueule pour le roi de Prusse !

Il entraîna Isidore qui, abruti, n’opposait aucune résistance ; il ne demeura que les deux Bossange et le petit Meulière. Une tristesse incommensurable abattait Armand. Debout près de l’eau morte, les yeux pleins de larmes, il jetait sur les dragons un regard ivre et vide :

— Allons, filez ! s’exclama l’officier avec indulgence.

Gustave prit le bras de son ami pendant que Marcel chantonnait, avec rage et gouaille :


Il était trois petits nenfants
Qui faisaient peur aux éléphants !


Ainsi finit la Révolution du 1er mai. Quelques éléments de la horde se retrouvèrent et reprirent la route des Terrains-Vagues. Ils cheminaient mélancoliquement, avec des visages de vaincus. Puis, la légende tissa ses premières mailles. Ceux qui