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— La bataille est au quai de Valmy ! amplifia La Trompette.

La horde serpenta dans les rues latérales. Elle emportait à sa suite une traînée de solitaires et de menus groupes qui s’organisaient à son contact. Guidée par Haneuse, qui connaissait à fond le terroir, elle coupa successivement par la rue Perrée, la rue du Forez, la rue Charlot, la rue de Bretagne, la rue Froissart, le boulevard des Filles-du-Calvaire, la rue du Passage-Saint-Sébastien, la rue Folie-Méricourt, le quai de Jemmapes.

Aux deux rives du canal, une foule ballottait, traversée par des vociférations et des coupetées d’Internationale. Sur ces quais mélancoliques, où survit la vieille âme batelière de France, près de cette eau croupie, aux moires de bitume, l’agitation avait une allure saisissante. Armand entrevit les maisons rongées de moiteur, les bateaux à l’ancre, dans une paix hollandaise, avec leurs petites fumées, leurs cargaisons hétéroclites, leurs hublots, leur intimité pauvre et pourtant savoureuse. Mais, vite ressaisi par l’ondulation des corps et des voix, il tendait les yeux vers les cohortes sombres des sergents de ville, l’étincellement des casques et la stature des chevaux de guerre.

Malgré le tintamarre, le flux et les jusants, il y avait trêve. Quelques individus, juchés sur des tonnes, invitaient les soldats à fraterniser. La masse semblait attendre une intervention providentielle. Il restait des badauds et des femmes, mais cet élément s’éliminait continuellement, remplacé par des escogriffes aventureux ou sinistres. Somme toute, une émeute incohérente, sans force combative, multitude accourue sur la foi de confuses promesses et qui, consciente de sa faiblesse, ne pouvait se résoudre à laisser toute espérance.


Sur un mot semé au hasard et propagé en étin-