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sière, épiait l’étendue, avec un visage morose, car maintenant qu’il l’estimait possible, il exécrait la révolution. Pêle-mêle, Mme Meulière, Mme Gachot, la femme au visage de Napoléon, Georgette et Eulalie, Mme Haneuse, Fallandres, Goulard, Berguin, avaient surgi ; des silhouettes se profilaient au bord des ruelles ou longeaient les clôtures. Enfin, la vérité se décela : un rire énorme secouait encore le rassemblement Pouraille. Philippine tendait le poing vers une forme fuyante en qui chacun reconnut Gourjat.

— C’est pas la révolution ! gémit Adèle.

Car la crainte de voir pendre des voisins ayant disparu, elle se connut déçue.

— La révolution ne peut pas éclater dans ce quartier vague ! assura Marcel.

— Alors, faudra aller la voir en ville ?

— Il vaut mieux que les femmes n’y aillent pas ! fit l’adolescent avec autorité.

Adèle jeta sur ses fils un regard où l’admiration s’assombrissait d’inquiétude :

— À cause ? Est-ce qu’on va se massacrer ? Je ne veux pas que vous y alliez !

Jusqu’alors, elle s’était mis en tête que la révolution éclaterait d’un bloc et que seuls les adversaires courraient des dangers. Maintenant elle voyait les barricades de 1848 et le siège de la Commune :

— Je ne veux pas ! Je ne veux pas ! répéta-t-elle. Ou alors j’irai avec vous !

Une émotion grotesque, incoordonnée et touchante, brouillait son visage.

— Allons, maman, intervint l’aîné, en l’étreignant aux épaules, il n’y a rien à craindre. Tout est préparé pour une révolution pacifique. Marcel veut dire que la présence des femmes ferait tort à la discipline…

Si les plus sages propos d’Adrien passaient à travers la cervelle de Mme Bossange comme à tra-