timent, les boulangers, les peintres, les mécaniciens encombraient la Bourse du Travail. Leurs réunions étaient ensemble tumultueuses et énigmatiques, leurs résolutions forcenées.
En même temps, croissait la terreur bourgeoise. Le massacre et la famine, tour à tour, obsédaient les imaginations ; le prolétariat et son état-major, la C. G. T., prirent la figure de hordes barbares, avec quelque chose de plus mystérieux, car l’invasion devait surgir du terroir même, entr’ouvrir le sol, tel un tremblement de terre, se répandre ainsi que des laves, ou, plus subtile encore, engourdir, empoisonner et capturer la puissance sociale. À quelques jours du 1er mai, l’idée de famine prédomina. Des bandes de capitalistes et même de petits rentiers émigrèrent. Ils eussent été suivis par d’innombrables congénères sans l’instinct rapace de la propriété et la nouvelle que le gouvernement empilait des troupes dans les casernes.
La peur d’être assassiné ou même pillé s’atténua. Celle de mourir d’inanition prit des proportions fabuleuses. La ruée de l’approvisionnement commença. On vit s’agiter les ménagères en files de fourmis, s’accroître les fournées des boulangeries, l’épicerie écouler d’un jet le stock des vieilles conserves ; les pâtes, les macaronis, les fromages, les confitures, le sucre, le chocolat s’accumuler aux garde-manger et aux armoires. Il y eut le vieux monsieur qui fait charger deux fiacres de jambons ; la famille qui remplace son linge par des piles de porc salé, celle qui transforme en poulailler la moitié d’un appartement. La folie du jour se décela aux postes de police par l’apparition d’inventeurs de comestibles ; un multiplicateur de vivres se présenta à l’Élysée ; un citoyen, appréhendé rue Croix-des-Petits-Champs, se proclamait ministre de l’approvisionnement public.
L’exaltation croissait d’heure en heure aux Ter-