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sante, la dégénérescence atteint les prolétaires non seulement en eux-mêmes, mais aussi par les déchets aristocratiques et bourgeois qui font retour à la masse : nous connaissons tous des familles bourgeoises que la ruine a rejetées parmi les ouvriers… je suis moi-même, camarades, le produit d’une de ces familles. La dégénérescence accumule donc les individus mal venus, les tarés, les malingres, les imbéciles. Or, comme je l’ai déjà dit, elle est le produit naturel de l’inégalité sociale. Car l’inégalité sociale crée d’une part des misères qui dépriment, et d’autre part des luxes, des jouissances, des excès qui pourrissent. C’est comme une double série de maladies qui finiraient par ronger l’humanité entière, si le communisme ne venait y mettre bon ordre. Le rôle du communisme n’est pas seulement d’établir la justice, il est encore d’assainir les hommes, gangrenés par trois sales civilisations successives : la civilisation de l’esclavage, qui a dégradé les anciens ; la civilisation féodale et royale, qui a débilité l’Occident ; la civilisation industrielle, qui est en train de ruiner complètement nos santés. Camarades ! le communisme nettoyera les écuries ! Il inaugurera le régime solidaire et, en même temps, celui de l’hygiène physique et morale que l’iniquité rend impossible ; il redressera les corps et il redressera les esprits : c’est alors seulement qu’il y aura équivalence de droits et de facultés. Osons le dire, camarades, si étrange que cela puisse d’abord paraître, il n’y a pas de justice sans salubrité, il n’y a pas de salubrité sans justice.

Quelques barbes applaudirent ; d’autres oscillaient, partagées entre l’admiration et un mécontentement obscur. Mais le jeune homme était lancé ; il se reconnaissait les dons de l’orateur, il s’adressait à la foule avec la même sécurité que s’il eût parlé au petit Meulière ou aux camarades du Cercle antimilitariste :