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— Camarades, reprenait Armand, il est vrai que les dégénérés se trouvent en plus grand nombre parmi les bourgeois, mais ne nous aveuglons point, il y en a beaucoup parmi les travailleurs. C’est le résultat de l’exploitation humaine, et si cette exploitation continuait, on peut être sûr que le nombre des dégénérés ne cesserait de s’accroître. La classe des dirigeants en serait la principale victime : la dégénérescence a toujours décimé les vainqueurs. Elle peut même finir par être comme qui dirait une justice : c’est ainsi qu’à la veille de 1789, la noblesse était pourrie ; il n’y avait plus qu’à la toucher du doigt pour la faire tomber ; et nous voyons nos maîtres actuels, plus névrosés, plus faibles, plus lâches, plus déséquilibrés de génération en génération. La dégénérescence pourrait ainsi être considérée comme une sorte de nivellement naturel, et satisfaire nos instincts de revanche. Mais elle présente d’effrayants dangers pour le peuple même.


Les barbes écoutaient avec stupeur. Ils s’étaient apprêtés à rire ; ils reconnaissaient obscurément, dans ce jeune homme maigre, quelque chose qui les dépassait. Il y avait déjà de l’éloquence dans la manière de lancer les paroles, il y avait aussi quelque chose d’abstrait, qui ne plaisait qu’à demi aux auditeurs, et ils retrouvaient encore cette sincérité, ces yeux convaincus qui les charmaient chez François Rougemont :

— Y parle bien, le gosse ! cria Haneuse.

— Continue à poser ton double six ! goguenarda Pouraille.

Armand, qui bégayait au début de sa harangue, tournait maintenant ses phrases avec une facilité qui le surprenait lui-même ; sa parole était plus claire que sa pensée :

— En effet, continua-t-il avec une autorité crois-